Les Puces de Saint-Ouen, paradis du chineur depuis 1885
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par aNaKRoN67 le, 06-10-2005
SAINT-OUEN (Seine-Saint-Denis) (AFP) - De la paire de lunettes extra larges en plastique jaune époque baba cool (10 euros) au secrétaire en ébène style Empire décoré à l'or fin (10.000 euros), on trouve de tout aux Puces de Saint-Ouen, paradis du chineur depuis 1885.
L'origine des Puces remonte au temps des chiffonniers. Fin XIXe, ceux qu'on appelle également "biffins", "crocheteurs" ou "pêcheurs de lune" prospèrent dans Paris qu'ils arpentent la nuit en quête d'objets abandonnés.
Tout bascule en 1884: le préfet de la Seine (Paris) Eugène Poubelle rend obligatoire l'utilisation du récipient qui prit son nom et chasse les chiffonniers de Paris intra-muros.
Le peuple des crocheteurs élit alors domicile aux portes de la ville. A l'ombre des fortifications qui ceinturaient la capitale, ils trient les déchets et les objets récupérés (dont des matelas truffés de puces, dits "puciers", d'où le nom du marché de Saint-Ouen) sont revendus directement sur place.
Avec ses guinguettes populaires, le lieu est fréquenté. Les affaires tournent, les chiffonniers se sédentarisent, deviennent brocanteurs: les Puces sont nées. L'année suivante, la commune de Saint-Ouen officialise le marché.
Aujourd'hui, Les Puces sont l'un des plus grands marchés d'antiquité au monde avec 16 marchés thématiques (meubles, vêtements...), 2.500 marchands et 11 km d'étals répartis sur sept hectares entre la porte de Clignancourt et la porte Montmartre.
Plus de 120.000 personnes, promeneurs du dimanche, chineurs passionnés ou professionnels, empruntent chaque semaine ses innombrables venelles étroites, véritable labyrinthe pour les profanes.
Si les Puces ont grandi, leur vocation est restée la même: insuffler une seconde vie aux objets délaissés.
"Le premier objectif des Puces c'est de sauver les choses. Les objets sont récupérés et revalorisés par les antiquaires, qui les intègrent dans un nouveau cycle de vie. Vous débarrassez l'appartement de votre grand-mère? C'est là que ça va se retrouver", explique Henri Veyrier, libraire aux Puces depuis 1961 et encyclopédie vivante des lieux.
Les Puces sont également restées le territoire de l'incroyable et de l'insolite.
Habitué des Puces, le comédien Pierre Mondy y a trouvé de quoi nourrir sa collection de disques de jazz avec "des éditions américaines ou anglaises, des trucs qui n'étaient pas en vente".
"On tombe sur des trucs qu'on ne trouve pas ailleurs, c'est ça les Puces. C'est un endroit formidable pour flâner. Au coin d'une boutique, tout d'un coup paf! on tombe sur un truc", dit-il.
"Un soir pluvieux de novembre, un client arrive avec deux énormes colis. Il me sort deux albums de 1930 avec 700 à 800 photos de sexes de femme et me dit: +mon beau-père vient de mourir, regardez ce qu'on a trouvé sous son lit+!", se souvient Henri Veyrier, goguenard.
Pas de la drouille (camelote, en argot des Puces) cloquée (en mauvais état), mais de la grande musique (objet de grande qualité) dont M. Veyrier pourra sans nul doute tirer un bon velours (bénéfice).